J’ai essayé de comprendre comment fonctionne le système Ride-by-Wire, appelé aussi Drive-by-Wire. Cela m’a coûté des migraines, un torticolis et des douleurs au poignet droit. Je crois avoir cerné la question, mais si quelqu’un trouve des aberrations dans l’exposé qui suit, qu’il n’hésite pas à me corriger ou à me contredire. Après tout, je ne suis qu’un théoricien en herbe.
Sur les motos qui utilisent un câble d’accélérateur conventionnel, ce câble agit mécaniquement sur le papillon du carburateur ou sur la rampe d’un système d’injection. En conséquence, tout changement de la position de l’accélérateur affecte directement l’alimentation du mélange air/carburant au moteur. Le défaut de ce système est sa nature mécanique. À titre d’exemple : lorsqu’on tourne brutalement la poignée, l’afflux d’air excessif introduit dans le moteur peut provoquer son calage ; il induit un mélange pauvre, jusqu’à ce que le système d’alimentation en carburant puisse rattraper son retard. Cela conduit également à une combustion incorrecte et à un rendement moteur moins efficace.
Terminologie (source : Wikipedia)
Avant de parler du Ride-by-Wire, il faut se mettre d’accord sur la terminologie à employer. Il s’agit en fait d’une mauvaise dénomination, car trop généraliste. En ce qui concerne l’accélérateur, il faudrait parler du Throttle-by-Wire, comme il existe un Brake-by-Wire, un Shift-by-wire, etc. Nous parlons volontiers de capteurs. La sonde Lambda, le capteur de température, etc. sont de vrais capteurs.
Un capteur (sensor en anglais) est un dispositif transformant une grandeur physique en une grandeur utilisable, telle qu'une tension électrique. On fait souvent la confusion entre capteur et transducteur : le capteur est au minimum constitué d'un transducteur. Un transducteur (transducer) est un dispositif qui convertit un signal physique en un autre ; p.ex. un signal thermique en signal électrique.
La poignée des gaz, l’accélérateur, n’a pas de capteur, il a un contrôleur (controller), lequel transforme la position de la poignée en un signal électrique. L’ABS et le CBS (Combined Braking System) sont d’autres exemples de contrôleurs.
À l’autre bout de la chaine, à l’injection, p.ex., il y a l’actionneur (actuator) ou régulateur (regulator) : il transforme l’énergie, le signal électrique reçu de l’ECU, en un travail physique : l’injection du mélange air/essence.
La théorie du contrôle d’un système.
Un système peut être contrôlé, soit en circuit ouvert, soit en circuit fermé. Dans un système ouvert, un signal d’entrée x donne un signal de sortie y. Dans le système fermé, le signal de sortie est renvoyé au signal d’entrée (feedback) afin d’y être contrôlé et corrigé si nécessaire. Le plus bel exemple de ceci est le régulateur de vitesse. Un régulateur de vitesse mécanique sur l’accélérateur permet de fixer une vitesse, mais lors d’une montée, la vitesse chutera (système ouvert). Le régulateur de vitesse électronique compare constamment la vitesse réelle à celle demandée et la corrige.
Le Throttle-by-Wire a été vu pour la première fois sur la Yamaha YZF-R6 en 2006. Sur les motos actuelles pourvues de cette technologie, il n’y a pas de liaison mécanique entre l’accélérateur et le système d’injection. La poignée des gaz est reliée à un contrôleur, lequel envoie les changements de position de la poignée à l’ECU, lequel à son tour envoie un signal aux actionneurs, les composants électroniques et mécaniques agissants sur les injecteurs, en prenant en compte différents paramètres : le régime moteur, la vitesse enclenchée, l’oxygène non consommée dans l’échappement, etc. Ce système permet un contrôle précis du mélange air/carburant, d’obtenir de meilleures performances et une meilleure efficacité énergétique.
Avantages: Les avantages du Throttle-by-Wire sont multiples. Le principal : le moteur reçoit toujours le juste mélange air/carburant et la consommation s’en trouve réduite. Parmi les autres avantages, citons le gain de poids, l’intégration de différents modes de conduite (Sport, Tour, Rain), le régulateur de vitesse, l’antipatinage, le contrôle de traction, etc. Tout cela est possible parce que la réponse de l’accélérateur est prévisible.
Un avantage insoupçonné de cette technologie est la présence du limp-mode-home, lequel, comme vous le savez, permet de rentrer chez soi à faible allure bien qu’il existe un défaut de fonctionnement dans la chaine contrôleur – ECU – actionneur. J’en parle ci-dessous.
Désavantages: Qui dit avantages, dit aussi désavantages. Alors qu’un câble d’accélérateur coûte quelques centimes, la recherche d’une panne du système demande du personnel hautement qualifié (main-d’œuvre !). S’il faut un remplacement (la poignée des gaz, p.ex.), celle-ci est onéreuse.
Le système peut être piraté ! Si un petit comique s’amuse à faire fonctionner l’avertisseur et les clignotants d’urgence, ce ne sera qu’un moindre mal. S’il intervient sur la poignée, ce sera l’accident garanti.
Un autre inconvénient du système Throttle-by-Wire est le délai notable entre l’activation de l’accélérateur et la réponse du moteur, causé par les retards de propagation inhérents au système. Ces dernières années, une gamme de contrôleurs d’accélérateur est apparue sur le marché pour contrer ce retard, tels que les contrôleurs d’accélérateur iDRIVE et Windbooster.
Les défaillances des unités de commande électroniques peuvent conduire à des situations potentiellement dangereuses. Dans le cas qui nous occupe, cela pourrait occasionner une accélération ou décélération involontaire. Souvenez-vous de certains modèles Toyota dont le système Throttle-by-Wire de la pédale d’accélération se bloquait, cause de plusieurs accidents et de morts. Imaginez une panne sur le système Brake-by-Wire !
Un brin de théorie.
Vous vous souvenez certainement du commentaire de Gunthar et de ma réponse concernant les à-coups à faible vitesse. Gunthar a lu que la faute en incombait à la poignée des gaz ; moi, je prétendais que le problème provenait de la cartographie. Pour mémoire, revoyez ce diagramme de la cartographie en fonction de l’ouverture des gaz et du régime moteur. En résumé : À faible régime moteur et petite ouverture des gaz, les cases dans la partie inférieure gauche sont très petites, ce qui signifie que l’accélération saute d’une case à l’autre ; les à-coups sont perceptibles. Dans le cas inverse, l’espace dans les cases supérieures est plus grand ; la poignée a plus de jeu, de temps pour modifier le mélange air/essence plus linéairement.
Bien ! Pour y remédier, il faudrait démultiplier la poignée des gaz, c’est-à-dire, avoir un contrôleur plus étagé. N’empêche, lorsque les signaux électriques du contrôleur arriveront à l’ECU, celui-ci ne saura qu’en faire, car sa cartographie à faible régime moteur est déterminée et fixée.
Ce contrôleur n’a pas une réponse linéaire. Je vous épargne les détails, formules et diagrammes que vous pouvez retrouver dans l’article Electronic throttle control for ride-by-wire in sport motorcycles écrit par Matteo Corno et All. Il en résulte – si j’ai tout compris, ce dont je doute – que ce contrôleur est à faible bande passante (maximum 1kHz), alors qu’il faudrait qu’il soit à large bande passante, ce qui est (était ?) impossible à concevoir sur une moto vu sa complexité.
Leurs diagrammes montrent de façon très claire cette non-linéarité et ce qui se passe lorsqu’on ouvre ou ferme les gaz. Lors de l’ouverture, les différentes étapes sautent du 0 à 1, go/no go ; lors de la fermeture, elles descendent sous forme de marches d’escalier. À noter que dans la position zéro, poignée complètement fermée, il reste 20 à 38% de courant circulant, ce qui renforce les critiques vis-à-vis du système, encore handicapé par les non-linéarités mécaniques et effets de frottement. Dans la phase descendante, la linéarité (rigidité) du système reste constante de 100% à 20%. Pour les positions les plus basses, elle augmente et un couple négatif est nécessaire sur l’accélérateur pour amener l’injection à la position complètement fermée. Entre les deux, la position non-nulle est le limp-mode-home.
Malgré l’électronique, ce sont encore et toujours les parties mécaniques et, avec elles, les pertes dues aux frottements qui empêchent le système d’être parfait. Le contrôleur de l’accélérateur sur les motos actuelles n’est pas encore suffisamment précis. Faudrait-il l’échanger contre un PID controller ? Le régulateur PID, appelé aussi correcteur PID (proportionnel, intégral, dérivé) est un système de contrôle permettant d’améliorer les performances d'un asservissement, c'est-à-dire un système ou procédé en boucle fermée. Vous le connaissez, c’est celui qui contrôle un régulateur de vitesse. Quoique théoriquement simple de conception, il est en réalité très complexe.
Les à-coups à faible vitesse sont (seraient ?) dus à une combinaison d’imperfections du système : aux contrôleurs peu précis (ils ont un temps de réponse de 100ms ! c’est court !), à une cartographie trop serrée à régime moteur lent et à une perte due aux contraintes mécaniques. Ne faudrait-il pas y ajouter une quatrième, une injection perfectible ? Car l’injection indirecte sur les motos souffre aussi d’imperfections ! Je trouve que pour avoir tant d’imperfections, nos Triumph ne s’en sortent pas si mal, que du contraire.
À lire aussi : Drive-by-Wire, Actuator, Controller, PID Controller, Control theory et Control loop. Les rares pages en français sont succinctes et incomplètes, pour ne pas dire inutilisables.